Cimetières : faire cohabiter les vivants et les morts
Cimetières : faire cohabiter les vivants et les morts
Le cas de la commune de Sorbiers, qui envisage d’agrandir ses deux cimetières non sans soulever des oppositions des riverains, pose la question de la gestion sur le long terme de ces équipements communaux.
« Rien n’est plus toxique qu’un cimetière. C’est le lieu le plus pollué dans une commune : il y a du méthane, du souffre, sans compter s’il y a des fuites dans les terrains, vous imaginez ce que cela peut donner ! » Monique Souweine ne décolère pas. Présidente depuis une vingtaine d’années de l’association Protection de la nature et de la qualité de vie à Sorbiers, elle est de plus riveraine de l’un des deux cimetières de la commune, dans le Grand Quartier et dans le bourg. Et elle s’insurge contre les projets d’extension envisagés par le maire Raymond Joassard. « Il n’y a pas eu de réunions publiques, pas de plan publié dans le journal municipal », s’indigne-t-elle. Quant à la limite de 35 m avec les habitations les plus proches, elle ne serait plus respectée en cas d’extension.
C’est que, pour se conformer à ses obligations légales, Sorbiers se doit de disposer de cinq fois plus de terrains que l’espace nécessaire pour y déposer le nombre présumé de personnes mortes pouvant y être enterrées chaque année. On ne décède pas plus à Sorbiers qu’ailleurs (entre 50 et 60 décès par an), mais d’après les projections la marge est de deux ans au bout desquels il faudra offrir des solutions.
Deux possibilités se présentent : procéder à des agrandissements, qui ajoutés à la mise en place de caveaux, seraient évalués à 1,2 M€, ou la construction d’un troisième cimetière. Mais dans ce cas le coût d’investissement serait 3 à 4 fois plus élevé, de l’ordre de 6 M€ en intégrant les différents aménagements pour le cimetière en lui-même et pour les aménagements annexes : parking, viabilisation du terrain et même prolongation de la ligne de transport en commun. Le conseil municipal de Sorbiers a délibéré en décembre sur l’avant-projet qui a été approuvé. « Maintenant l’enquête publique doit être lancée, mais nous sommes en train d’examiner si c’est la commune qui doit le faire ou Saint-Etienne Métropole », explique le maire Raymond Joassard.
En effet depuis le 1er janvier 2016 et le passage en communauté urbaine, Saint-Etienne Métropole compte les cimetières dans ses compétences. La délégation a échu au vice-président Gilles Artigues. Si les constructions neuves dépendent des communautés urbaines, ce n’est pas le cas des extensions de cimetières existants. Encore faut-il s’assurer que les maires ont fait le nécessaire dans la gestion des places disponibles.
« A Saint-Etienne nous avons engagé un travail de reprise de concessions. Nous estimons que 5 000 pourraient être reprises, avec un objectif annuel de 600 », détaille Gilles Artigues. A l’issue de la durée de 15, 30 ou 50 ans, un courrier est adressé à la famille pour lui solliciter son choix : soit la prolongation, soit l’autorisation de disposer à nouveau de l’emplacement. Sauf opposition formelle, les restes mortuaires sont rassemblés ou incinérés. Une procédure qui peut prendre jusqu’à 2 ans. « Nous allons faire partir un courrier à tous les maires des communes de Saint-Etienne Métropole afin de nous assurer que ce travail de reprise a bien été mené », annonce Gilles Artigues.
Si les cimetières communaux arrivaient à saturation, la construction d’un nouveau cimetière deviendrait un équipement communautaire. Serait-il alors envisageable de se faire enterrer dans une autre commune que celle de sa résidence ? Une question qui se posera peut-être à l’avenir.
Mathieu Ozanam