Stakhanovistes ou équilibristes ? Élus maires, ils ont choisi de garder leur emploi
Les 100 premiers jours de leur nouveau mandat de maire sont maintenant dépassés. Qu’est-ce qui a changé dans l’organisation de leur vie professionnelle et comment la concilier avec leur vie d’élus ?
« Au début je ne pensais pas que ça prendrait autant de temps et d’énergie », reconnaît humblement Pierre-Jean Rochette qui a ravi la mairie de Boën-sur-Lignon le 23 mars dernier à Lucien Moullier, élu de la ville depuis une vingtaine d’années. « C’est sans doute parce qu’il faut tout organiser, mais là j’y suis quasiment à temps complet. » Directeur de l’Ehpad Le Village du matin calme à Montverdun, investi dans le transport touristique par autocar, l’hôtellerie et la restauration et enfin chargé de missions de développement chez CarPostal, le groupe suisse de transport routier de personnes, Pierre-Jean Rochette ne manquait pourtant pas d’activité. « Après mon élection je suis allé voir ma directrice en lui disant que je comprendrais si elle me demandait d’arrêter. Elle m’a proposé de réduire mon temps de travail de 25 % en limitant mes déplacements à Lyon où sont nos bureaux. »
Lui aussi novice en politique Christophe Bazile y a fait son entrée avec son élection à la mairie de Montbrison. Sans pour autant renoncer à conserver une activité professionnelle. « Je suis quatre demi-journées par semaine à mon cabinet vétérinaire, le soir j’assiste à des réunions et diverses manifestations et je reçois beaucoup le week-end. Je commence ma journée à sept heures et je la termine à minuit », détaille-t-il. Une situation compatible avec sa vie d’élu « parce que les personnes sur ma liste ont été choisies en fonction de leurs compétences. Le travail des adjoints n’est pas augmenté parce que je travaille à l’extérieur, mais parce qu’ils doivent assumer leurs responsabilités de la délégation qui leur a été confiée. Si les équipes n’étaient pas compétentes, alors c’est le maire qui récupèrerait tout le travail. » Un point de vue que partage Hervé Béal.
La mairie avant tout
Installé en libéral depuis 32 ans, il est à la tête d’un réseau de six cabinets d’expertise-comptable (« au prix d’un travail important ») : quatre dans la Loire, un en Puy-de-Dôme et le dernier à Lyon. « C’est possible parce que j’ai des associés et de bons collaborateurs. » Quant à ses adjoints, ils sont majoritairement retraités. Mais la base de sa journée, c’est « sa » commune de 1 484 habitants. L’emploi du temps de la journée se cale sur celui de la mairie. Exemples : « mon cabinet à Saint-Etienne est proche de la préfecture, alors je peux y aller facilement quand il y a des réunions. Mardi je participe à la commission régionale de classement des sites et monuments historiques à la DRAC, j’en profiterai du coup pour aller au cabinet de Lyon. »
« S’engager en politique est un choix. Personne ne nous y force. » Christophe Bazile
À Roisey, Josette Verney s’est engagée en connaissance de cause ayant été l’adjointe pendant trois mandats de Michèle Perez. C’est maintenant elle qui occupe le fauteuil de maire de cette commune du Pilat de 900 habitants. Après avoir géré une entreprise de transports de personne, Josette Verney est aujourd’hui conductrice salariée. Elle assure le ramassage scolaire. Un emploi à mi-temps qui lui laisse des disponibilités à partir de 9 h avant de reprendre le volant à partir de 18 h. « Adjointe je connaissais, mais maire c’est un autre métier. En plus il faut être présente à l’intercommunalité.
À la mairie j’organise les réunions en fonction de mon emploi du temps, mais quand il y a des réunions à l’intercommunalité je dois prendre des disponibilités sur mon temps de travail. »
Dans 18 mois cependant elle devrait cesser de mener cette double vie car elle sera alors à la retraite.
Des managers aux commandes ?
Chefs d’entreprise qui ont parfois créé leur propre activité, ils font parfois entrer un peu de cet état d’esprit dans leur façon de diriger leur commune. « C’est vrai que je mène ma commune comme un chef d’entreprise. Je suis ainsi très attentif aux questions budgétaires. Lors du mandat précédent je me suis attaché à restaurer nos capacités financières. C’est aussi utile quand il faut discuter avec les banques », témoigne Hervé Béal. Pierre-Jean Rochette avait pour sa part donné une forte coloration socio-économique à sa liste en s’appuyant sur des chefs d’entreprises et des commerçants.
« Mais dans une mairie il y a une notion de service public qu’il ne faut jamais oublier. Alors oui, sur les méthodes pour optimiser nos ressources et pour rechercher la meilleure productivité il faut agir en chef d’entreprise, tout en prenant garde à ne pas confondre les deux. »
Et les indemnités ? « Elles ont de facto baissé d’environ 200 € avec une augmentation des prélèvements sociaux », écarte Hervé Béal. « Et les dépenses liées aux frais kilométriques, aux communications téléphoniques ou aux notes de restaurant, je les prends à ma charge personnelle. » Pierre-Jean Rochette souligne qu’il ne « touche que 40 % de l’indemnité que pourrait toucher un maire de la taille de cette commune ». Il perçoit 600 € bruts en sa qualité de maire et 720 pour la communauté de communes. « Être maire ce n’est pas une question d’argent. Ce n’est pas le niveau de l’indemnité qui fait que l’on mouille le maillot ou non. » Christophe Bazile a lui aussi décidé de diminuer ses indemnités de 30 %. « Cela m’a permis de prendre un conseiller municipal supplémentaire. » Au-delà il estime que face aux difficultés des Français « il faut envoyer un signal aux citoyens quand le maire est en situation de le faire. S’engager en politique est un choix. Personne ne nous y force. »
Mathieu Ozanam
Les indemnités des maires (brut mensuel)
Commune de – de 500 habitants : 646,25 €
500 à 999 habitants : 1 178,46 €
1 000 à 3 499 habitants : 1 634,63 €
3 500 à 9 999 habitants : 2 090,91 €
10 000 à 19 999 habitants : 2 470,95 €
20 000 à 49 999 habitants : 3 421,32 €
50 000 à 99 999 habitants : 4 181,62 €
100 000 à 200 000 habitants et plus : 5 512,13 €