Accessibilité : la longue marche
L’année 2015 devrait être celle de la mise en accessibilité des lieux accueillant du public. Mais face à l’ampleur de la tâche, où en sont les collectivités ? Les associations des personnes handicapées sont attentives au travail effectué.
« Il y a un message de plus en plus courant et de plus en plus audible disant qu’il y a trop de normes en faveur des personnes handicapées. Et il y a un bruit de fond des collectivités disant que cela coûte cher. » Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fnath (Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapé), laisse percer son agacement alors que l’échéance fixée à 2015 de la mise en accessibilité des bâtiments accueillants du public approche à grands pas.
La loi adoptée 2005 voulait réparer les insuffisances de la loi de 1975 sur le handicap. Si elle exprimait des principes généreux en affirmant que la collectivité nationale se devait de garantir les conditions de l’égalité des droits et des chances aux personnes handicapées afin qu’ils soient considérés comme des citoyens à part entière, les intentions en étaient largement restées aux déclarations de principes. 30 ans plus tard, une nouvelle loi a fixé des objectifs contraignants. Pour les collectivités il s’agit principalement de réaliser des travaux de mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP). Mais d’après une étude de l’Apajh (association pour adultes et jeunes handicapés), seuls 5 à 15 % des bâtiments dépendant des collectivités ou de l’Etat sont aujourd’hui accessibles. Elle évalue que le coût global de ces avoisinerait les 20 milliards d’euros, dont 3 Md€ pour l’Etat. Le chantier est gigantesque et la crise économique internationale a contribué à retarder les investissements des communes. S’ajoute au tableau la crainte pour les associations que ne soient introduites des dérogations successives, comme cela a été le cas pour les bâtiments neufs avec l’article 14 bis de la loi sur les maisons départementales des personnes handicapées.
Des efforts reconnus, un vaste chantier
A Saint-Etienne, qui a récemment progressé au classement d’accessibilité de l’association des paralysés de France (lire l’encadré), un diagnostic des 340 bâtiments communaux a été réalisé, de la 1re catégorie (accueillant + de 1 500 personnes) jusqu’à la 5e catégorie (non prévue par la loi). 150 km de voirie ont également été diagnostiqués. « Nous nous fixons des priorités dans les travaux à réaliser en fonction des besoins exprimées par les associations en commission communales d’accessibilité », explique Jacqueline Neyme, conseillère municipale déléguée aux personnes handicapées. La principale difficulté reste celle des moyens, car dans un délai si court, il est difficile rattraper le retard qui a été pris. » En 2010, près de 1,5 millions d’euros ont cependant été investis sur l’ensemble des services, pour des travaux (et 1 M€ a été provisionné pour 2011), mais pas uniquement. « Par exemple une interprète en langue des signes se tient à l’accueil de la mairie le vendredi après-midi pour renseigner les personnes. » Christine Rigodon, déléguée de la section stéphanoise de la Fnath, reconnaît que « si le sentiment d’une personne extérieure sera peut-être que cela n’avance pas assez vite, la Ville a fait un très gros travail par rapport à tout ce qu’il y avait à faire ». Le constat paraît donc globalement encourageant du point de vue des communes. « Il n’y a pas de mauvais élèves dans la Loire », convient Rosette Iannuzzo. Mais la représentante départementale de l’APF dénonce « plutôt les communautés de communes car ce sont elles qui ont la compétence en matière de transport. J’habite dans la vallée du Gier, alors dans la pratique, si je veux me déplacer sur Saint-Etienne en fauteuil roulant électrique, je n’ai pas d’autres moyens que d’utiliser un taxi ordinaire qui m’accepte. Et alors je serais obligée de prendre mon fauteuil manuel. Je considère donc que je ne bénéficie pas du droit de déplacement. » Et de conclure : « Ce sont des choses dont on a du mal à avoir conscience tant que l’on n’est pas soi-même confronté à cette difficulté et d’être tributaire de quelqu’un d’autre. »
Mathieu Ozanam
Le classement d’accessibilité : comment est-il construit ?
L’association des paralysés de France (APF) réalise depuis 2010 un classement de l’accessibilité des 96 villes préfectures des départements métropolitains. Une note globale sur 20 est attribuée en fonction des résultats obtenus dans trois catégories : un cadre de vie adapté, des équipements municipaux accessibles et une politique locale volontariste. Sur le premier thème les délégations départementales de l’APF ont communiqué à leur instance nationale les questionnaires portant sur la façon dont elles perçoivent la ville et les difficultés à trouver de manière accessible : des commerces, un bureau de poste, un cabinet médical et/ou paramédical, un cinéma, un piscine.
Le second critère s’attache aux équipement municipaux (mairie, lignes de bus ou de tramway, stades, places de stationnement réservées, etc.). Enfin, l’APF interroge les mairies sur leur action : existence d’une commission communale ou intercommunale d’accessibilité, rythme des réunions, résultat du diagnostic de mise en accessibilité des bâtiments, etc.).
Lors de la parution du 1er classement, Saint-Etienne occupait, avec une note globale de 11,6/20, la 31e place, loin derrière Lyon (3e), Grenoble (4e) ou encore Chambéry (14e). La préfecture de la Loire a, cette année, progressé de 8 places en se positionnant désormais à la 23e place, devant Lyon rétrogradé au 34e rang, tandis que Grenoble gagne encore deux places. Ce n’est pas tant à l’amélioration du cadre de vie, ni celle des équipements et transports (toujours notés 6/20), que la ville doit son rattrapage qu’à son évaluation de sa « politique locale volontariste » qui gagne 3 points pour atteindre la note maximale de 21/21.